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L’IRS publie un nouveau projet de règlement relatif à l’article 1061 sur l’intéressement aux performances (carried interest)

Auteurs : Peter Glicklich, Gregg M. Benson et Heath Martin

Le 14 août 2020, l’Internal Revenue Service des États-Unis (« IRS ») a publié un projet de règlement (le « projet de règlement ») dans lequel il donne des éclaircissements fort nécessaires sur la mise en œuvre des règles relatives à l’intéressement aux performances énoncées à l’article 10611. Ces règles revêtent une importance particulière pour les gestionnaires de fonds d’investissement et tous les fournisseurs de services qui reçoivent un intéressement dans une société de personnes en échange de leurs services. Nous examinons en profondeur ci-dessous les principales dispositions du projet de règlement, qui sont détaillées, techniques et complexes.

Contexte

On entend par « intéressement aux performances » (carried interest) une participation aux bénéfices d’une société de personnes qui peut être attribuée à un associé sans égard à son apport en capital dans la société de personnes. Si celle-ci est un fonds d’investissement, le commandité n’apporte pas, en général, un capital important, mais peut, en raison d’un intéressement aux performances, se voir attribuer une part substantielle (s’élevant souvent jusqu’à environ 20 %) des bénéfices du fonds – sous réserve souvent de l’atteinte d’un seuil minimal de rendement pour les commanditaires du fonds – disproportionnée à son apport en capital dans le fonds. L’intéressement aux performances a pour but d’inciter le commandité à maximiser les performances du fonds et le rendement des investissements pour les commanditaires du fonds et, à cet égard, il peut être considéré comme une rémunération pour la fourniture de services.

Aux États-Unis, le traitement fiscal réservé à l’intéressement aux performances a longtemps soulevé bien des discussions. Les bénéfices attribuables au détenteur d’un intéressement aux performances sont de même nature, sur le plan fiscal, que les bénéfices réalisés par la société de personnes. Par conséquent, si le fonds réalise des bénéfices considérés comme des gains en capital, ces bénéfices seront de même nature entre les mains du commandité même si le traitement fiscal comme gains en capital est généralement réservé aux revenus d’investissement et si le commandité, en général, n’a pas effectué un apport en capital important dans le fonds. Les gains en capital attribuables à des particuliers peuvent être assujettis à des taux d’imposition réduits. Certains ont remis en question ce traitement fiscal, soutenant, étant donné que les commandités qui sont des particuliers reçoivent des bénéfices disproportionnés à leur apport en capital dans le fonds, que les bénéfices reçus au titre d’une participation au capital devraient être imposés comme une forme de rémunération ordinaire reçue en échange de la fourniture de services au fonds.

De plus, le traitement fiscal de l’intéressement aux performances est controversé sur le plan politique depuis les années 2000 : d’une part, les démocrates soutiennent généralement que la disposition fiscale concernant l’intéressement aux performances est une lacune dans la législation ayant créé une « échappatoire » fiscale qui permet aux gestionnaires de fonds d’investissement de convertir ce qui serait autrement une rémunération versée pour un travail accompli, imposée à un taux d’imposition ordinaire, en gains en capital, imposés à un taux préférentiel; d’autre part, les républicains ont affirmé que le rendement dont bénéficient les gestionnaires de fonds d’investissement s’apparente davantage à un revenu d’investissement tiré d’une activité animée par un esprit d’entreprise et que le débat, s’il en est un, devrait porter sur l’examen de l’imposition des gains en capital en général plutôt que de cibler les détenteurs d’un intéressement aux performances.

Les démocrates ont inclus une mesure visant à mettre fin au traitement de l’intéressement aux performances comme gains en capital dans la loi de 2010 intitulée American Jobs and Closing Tax Loopholes Act, et le président Obama a intégré cette mesure dans ses propositions pour le budget de 2013, mais elle n’a jamais été adoptée. Dans les deux cas, la mesure visait à ce que les sommes en question soient considérées comme une forme de rémunération et, à ce titre, assujetties aux taux d’imposition ordinaires et aux cotisations sociales (les cotisations prévues par la FICA et la FUTA, par exemple). En 2016, les candidats Clinton et Trump ont fait campagne sur l’abrogation du traitement fiscal préférentiel accordé aux détenteurs d’un intéressement aux performances.

Dès leur entrée en fonction, le président Trump et son administration ont commencé à travailler à la réforme fiscale. La loi intitulée Tax Cuts and Jobs Act (la « loi TCJA ») a été adoptée en 2017 et, avec l’adoption de l’article 1061, a tranché (en partie) ce débat de longue date sur la question de savoir si les bénéfices attribués aux détenteurs d’un intéressement aux performances devraient conserver leur nature de bénéfices réalisés par la société de personnes et pouvoir ainsi être l’objet d’un traitement fiscal favorable et de taux d’imposition préférentiels ou s’ils devraient être imposés aux taux d’imposition ordinaires plus élevés s’appliquant à la rémunération. D’une manière générale, la loi TCJA a adopté une position intermédiaire, en ce sens que i) elle n’a pas complètement éliminé le traitement fiscal préférentiel accordé aux détenteurs d’un intéressement aux performances, mais a assujetti ce traitement à une période de détention plus longue que celle qui était généralement exigée pour avoir droit aux taux s’appliquant aux gains en capital à long terme (nous revenons sur cette exigence ci-dessous); ii) elle précise que les sommes reçues par les détenteurs d’un intéressement aux performances qui ne satisfont pas à l’exigence quant à la période de détention ne seront pas considérées comme des gains en capital à long terme; et iii) elle stipule que les sommes qui, ainsi, ne sont pas considérées comme des gains en capital à long terme seront considérés comme des gains en capital à court terme plutôt que de la rémunération, ces deux types de revenus étant imposés aux taux d’imposition ordinaires, mais le dernier étant également assujetti aux cotisations sociales, comme toute autre rémunération.

Avant de nous pencher sur les particularités de l’article 1061 et du projet de règlement, il convient de signaler que la loi TCJA, l’article 1061 et le projet de règlement ne constituent peut-être pas le dernier chapitre de la saga du traitement fiscal de l’intéressement aux performances. En effet, un membre du Ways and Means Committee de la Chambre des représentants, le représentant Bill Pascrell, D-N.J., et la sénatrice Tammy Baldwin, D-Wis., ont présenté en mars 2019 des projets de loi complémentaires qui auraient généralement pour effet de mettre fin au traitement comme gains en capital de l’intéressement aux performances et de faire en sorte qu’ils soient plutôt traités comme un salaire assujetti aux cotisations sociales. De plus, à l’approche de l’élection présidentielle, le président Trump et le candidat Biden, affichant une rare concordance de positions, ont tous deux déclaré avoir l’intention d’éliminer l’« échappatoire » de l’intéressement aux performances. Il s’agit donc d’un sujet que nous continuerons de suivre après l’élection.

En l’absence de l’article 1061, un fonds détenant des actifs immobilisés à long terme pourrait attribuer un intéressement aux performances à son commandité ou à un promoteur, et le détenteur de l’intéressement aux performances pourrait immédiatement bénéficier du transfert des gains en capital à long terme si la société de personnes vendait les actifs immobilisés après une période de détention d’un an. Le même détenteur de l’intéressement aux performances pourrait vendre (ou faire racheter) son intéressement aux performances après deux ans et potentiellement demander le traitement des gains comme gains en capital à long terme. L’article 1061, cependant, exige que certains contribuables qui détiennent un intéressement aux performances (également appelé une participation aux bénéfices [profits interest]) dans une société de personnes le conservent sur une période de trois ans pour avoir droit aux taux d’imposition préférentiels réservés aux gains en capital à long terme. Dans certains cas, l’article 1061 requalifie les gains en capital à court terme en gains tirés de biens détenus pendant plus d’un an, mais moins de trois ans qui seraient autrement considérés comme des gains en capital à long terme. Plus précisément, l’article 1061 s’applique aux participations applicables d’associé (applicable partnership interests ou « API »), qui sont des participations dans une société de personnes détenues par un contribuable directement, ou indirectement par l’intermédiaire d’une entité intermédiaire, lesquelles, en raison de la fourniture de services par le contribuable, sont transférées à un commerce ou à une entreprise applicable (applicable trade or business ou « ATB »), ou encore détenues par le contribuable dans un ATB.

Même si l’on s’attend à ce que ces règles aient une incidence importante sur les fonds d’investissement, il est probable que leur incidence sur les promoteurs de fonds spéculatifs soit, en général, moins importante, car les fonds spéculatifs ne génèrent habituellement pas de gains en capital à long terme substantiels qui seraient transférés aux détenteurs d’un intéressement aux performances. Les promoteurs de fonds immobiliers semblent également être largement épargnés par ces règles, car le projet de règlement prévoit une exception pour les gains visés par l’article 1231, c’est-à-dire, en général, les gains provenant de biens immobiliers utilisés dans le cadre d’un commerce ou d’une entreprise (voir ci-dessous).

Enfin, en se dotant d’un plan et d’une structure efficaces, il est possible de mettre en œuvre diverses techniques en vue de minimiser l’incidence des limitations imposées par l’article 1061 et le projet de règlement.

Le projet de règlement

Le projet de règlement met en place le cadre législatif qui régira l’article 1061 et répond en grande partie aux attentes des contribuables. Toutefois, même s’il se veut exhaustif, il met en évidence le besoin de lignes directrices et de précisions supplémentaires sur certaines questions laissées en suspens concernant les sociétés de personnes. Nous examinons ci-dessous certains des principaux points à retenir du projet de règlement.

Commerce ou entreprise applicable (ATB)

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, pour que l’article 1061 s’applique à une API, celle-ci doit être transférée à un ATB en lien avec la fourniture de services. L’article 1061 définit l’ATB comme une activité qui est exercée de manière régulière, continue et substantielle, par une ou plusieurs entités, et qui consiste, en totalité ou en partie, i) à réunir ou à retourner des capitaux, et ii) soit a) à investir dans des actifs déterminés (ou à céder de tels actifs), soit b) à mettre en valeur des actifs déterminés.

Le projet de règlement contient des éclaircissements supplémentaires qui aident à déterminer si une activité est un ATB. Il y est précisé qu’un ATB existe si l’activité du contribuable consistant i) à réunir ou à retourner des capitaux, et ii) à investir dans des actifs déterminés ou à mettre en valeur de tels actifs, constitue un commerce ou une entreprise au sens de l’article 162. Il y est entendu par « actifs déterminés » (specified assets) des valeurs mobilières, des marchandises, des biens immobiliers, des éléments de trésorerie et des équivalents de trésorerie, des options, des dérivés et des participations dans une société de personnes détenant de tels actifs. Selon le projet de règlement, les activités servant à déterminer si un ATB existe comprennent l’ensemble des activités du contribuable et de toutes ses parties liées. Fait important, le projet de règlement confirme que les participations attribuées par les fonds de capital-investissement et les fonds spéculatifs sont des API.

Exclusions s’appliquant à certaines API

Exclusion concernant les sociétés par actions. L’article 1061 ne s’applique pas aux API détenues par des sociétés par actions, les revenus de celles-ci étant assujettis au même taux d’imposition, qu’ils s’agissent de revenus ordinaires ou de gains en capital. L’article 1061 n’indique pas expressément que, pour avoir droit à l’exception, la société par actions doit être une société C (C corporation), mais l’IRS a précisé dans son avis 2018-18 que les sociétés S (S corporations) sont, quant à elles, visées par l’article 1061. Cette précision de l’IRS signifie que la stratégie fiscale qui consistait à détenir un intéressement aux performances par l’entremise d’une société S dans le but d’éviter l’exigence de détention de trois ans n’est plus possible. Le projet de règlement confirme la précision donnée dans l’avis 2018-18, à savoir que les API détenues par une société S sont bel et bien visées par l’article 1061.

De plus, le projet de règlement stipule que l’exclusion accordée aux sociétés par actions ne s’applique pas aux sociétés non américaines qui sont des sociétés de placement étrangères passives (passive foreign investment companies ou « PFIC ») à l’égard desquelles un choix à titre de fonds électif admissible (qualified electing fund ou « QEF ») a été fait. Le choix de QEF permet le transfert de gains en capital constatés par une PFIC ou attribués à une PFIC aux actionnaires américains de la PFIC. En l’absence de cette disposition, il serait possible d’utiliser une PFIC à l’égard de laquelle un choix de QEF a été fait pour détenir une API et éviter l’application de l’article 1061.

Une interprétation du texte de la loi selon son sens ordinaire permet de supposer que certains contribuables pourraient avoir mis en place des structures en vue d’éviter l’exigence de détention de trois ans imposée par l’article 1061, en détenant une API par l’entremise d’une société S ou d’un choix de QEF. Le projet de règlement stipule clairement que les contribuables ne peuvent pas contourner l’objectif de l’article 1061 au moyen de telles structures.

Exception relative aux participations au capital (capital interests). Selon l’article 1061, une API ne comprend pas, en général, certaines participations au capital d’une société de personnes. À cet égard, il est précisé au sous-alinéa 1061(c)(4)(B) qu’une participation au capital d’une société de personnes est notamment une participation qui procure au contribuable un droit de participation au capital de la société de personnes correspondant à son apport en capital (déterminé au moment où la participation lui est accordée). Certains éclaircissements sont donnés dans le projet de règlement quant à l’application de cette exception, mais l’approche adoptée est restrictive et en limite l’application d’une manière qui risque de soulever des questions supplémentaires ou d’exiger des explications supplémentaires.

Pour bénéficier de cette exception, les attributions doivent être fondées sur le compte d’apport en capital relatif des associés, et les modalités, la priorité, le type et le niveau de risque, le taux de rendement et les droits aux distributions en espèces ou en biens, tant pendant l’exploitation de la société de personnes qu’au moment de sa liquidation, doivent être les mêmes pour tous les associés. De plus, en général, les attributions qu’accorde la société de personnes aux détenteurs d’un intéressement aux performances doivent être l’objet des mêmes modalités que celles qui sont rattachées aux attributions qu’elle accorde aux associés non liés et non fournisseurs de services dont le compte d’apport en capital global affiche un solde important (s’élevant au moins à 5 %).

Malgré qu’il ne dispose pas de l’autorité conférée à une loi, le projet de règlement ignore les apports en capital à une société de personnes s’ils ont été empruntés à la société de gestion, au commandité ou à un autre associé ou garantis par l’un de ceux-ci.

L’approche restrictive adoptée dans le projet de règlement, qui limite essentiellement cette exception relative aux participations au capital aux sociétés de personnes qui effectuent des attributions au prorata de l’apport des associés, avantage peu les nombreuses sociétés de personnes qui ont un mode d’attribution plus complexe tenant compte d’un accord financier négocié entre les associés. De plus, les promoteurs de fonds qui attribuent généralement les bénéfices et les pertes de façon distincte pour chaque placement effectué pourraient être confrontés à des difficultés lorsqu’ils tenteront de satisfaire à cette exception, car de telles attributions peuvent différer des attributions fondées sur les comptes d’apport en capital relatif en raison de la multiplicité des clôtures ou du fait que certains associés choisissent de ne pas participer à certains investissements.

Compte tenu de l’importance de l’exception relative aux participations au capital pour les fonds, de l’approche restrictive adoptée dans le projet de règlement et de l’incertitude qui subsiste quant à l’admissibilité à l’exception, nous nous attendons à ce que cette exception fasse l’objet de nombreuses questions ou commentaires d’ici à ce que le règlement définitif soit adopté.

Exception relative aux gestionnaires de grande fortune. Le paragraphe 1061(b) confère au Treasury Department des États-Unis l’autorité d’adopter des règlements en vue d’exclure de l’application de l’article 1061 un revenu ou un gain tiré d’un actif qui n’est pas détenu dans un portefeuille de placements pour le compte d’investisseurs tiers. À cette fin, on considère comme un investisseur tiers une personne qui ne fournit pas de services substantiels à une société de personnes ou à un ATB et qui détient une participation dans la société de personnes qui ne constitue pas un bien détenu en lien avec l’ATB connexe. Certains commentateurs se sont dits d’avis – avis que partage le Treasury Department – que l’exception prévue par le paragraphe 1061(b) vise les gestionnaires de grande fortune (c’est-à-dire les gestionnaires qui effectuent des placements pour le compte de fournisseurs de services et de parties liées à ceux-ci, par opposition à ceux qui effectuent des placements pour le compte d’investisseurs tiers).

Le projet de règlement ne traite pas expressément de cette exception, mais il est indiqué dans son préambule que l’exception relative aux participations au capital pourrait s’appliquer au moins dans une certaine mesure aux gestionnaires de grande fortune. Malgré ce qui est énoncé dans le préambule et l’exception relative aux participations au capital, nous attendons dans la version définitive du règlement des éclaircissements supplémentaires et des règles précises concernant l’exception relative aux gestionnaires de grande fortune.

Exception relative à l’acquisition légitime par un tiers. Le projet de règlement ajoute une nouvelle exception non prévue par l’article 1061, selon laquelle une participation dans une société de personnes cesse d’être considérée comme une API dès qu’elle est acquise par une partie non liée à sa juste valeur marchande, à condition que la partie non liée ne fournisse pas, directement ou indirectement, des services à la société de personnes ou à une société de personnes d’un échelon inférieur. Cette exception permettra vraisemblablement à certaines institutions financières d’acquérir une participation dans le commandité d’un fonds d’investissement sans déclencher les conséquences défavorables associées à l’article 1061.

Employés d’entités qui ne sont pas des ATB. Conformément à l’exception prévue par l’article 1061, le projet de règlement exclut de la définition de l’API une participation transférée à une personne qui est une employée d’une entité ou qui fournit des services à une entité, si cette entité n’exploite pas un ATB. Il semblerait que cette exception s’applique aux personnes qui reçoivent une participation aux bénéfices pour la fourniture de services à une société incluse dans un portefeuille de placement laquelle exploite activement un commerce ou une activité.

Requalification et période de détention

Généralités

Selon l’article 1061, un gain qui aurait droit au traitement fiscal réservé aux gains en capital à long terme, mais qui ne satisfait pas à l’exigence de détention de trois ans, sera requalifié en gain en capital à court terme. Avant la publication du projet de règlement, la question de savoir si la période de détention à respecter visait l’API ou les actifs sous-jacents du fonds n’avait pas été élucidée.

Le projet de règlement a éclairci la question en précisant que la période de détention vise l’actif vendu (qu’il soit un actif sous-jacent du fonds ou l’API). Par conséquent,

  • si un fonds vend sa participation dans une société incluse dans son portefeuille depuis plus de trois ans, la partie du gain qu’il attribue à son commandité ou au gestionnaire qui détenait l’API dans le fonds ne sera pas requalifiée en vertu de l’article 1061, même si l’API est détenue depuis moins de trois ans;
  • si le détenteur d’une API vend celle-ci alors qu’il la détient depuis deux ans, le gain tiré de la vente de l’API sera requalifié en gain en capital à court terme en vertu de l’article 1061, même si les actifs sous-jacents du fonds sont détenus depuis plus de trois ans.

Dans le cas des fonds d’investissement, il sera important de prendre en compte la période de détention de l’actif sous-jacent visé par la vente, car les exigences quant à la période de détention pourraient varier en fonction des différents actifs détenus par le fonds, des différents blocs d’actions d’une société détenus par le fonds, ou des investissements subséquents du fonds dans une société déjà incluse dans son portefeuille.

Règle de transparence

En dépit de la règle générale selon laquelle la période de détention de trois ans est imposée au détenteur de l’actif vendu, le projet de règlement prévoit une règle de transparence selon laquelle le gain tiré de la cession d’une API qui satisfait à l’exigence de détention de trois ans peut être requalifié en gain en capital à court terme en vertu de l’article 1061. Pour que la règle de transparence s’applique à la cession d’une API qui satisfait à l’exigence de détention de trois ans, au moins 80 % des actifs de la société de personnes doivent i) être des actifs qui produiraient un gain ou une perte en capital qui ne serait pas exclu de l’application de l’article 1061 si ces actifs étaient cédés par la société de personnes (un gain prévu par l’article 1231, par exemple) et ii) avoir été détenus pendant trois ans ou moins (le critère de la quasi-totalité ou Substantially All Test).

Dans le cas d’une structure reposant sur différents paliers de sociétés de personnes, où le détenteur de l’API détient celle-ci par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs entités intermédiaires, la règle de transparence peut encore s’appliquer si i) le détenteur cède sa participation dans l’entité intermédiaire détenue depuis plus de trois ans dans le cadre d’une opération imposable; ii) le détenteur constate un gain en capital; et iii) soit a) l’entité intermédiaire qui est vendue détient une API, directement ou indirectement, depuis trois ans ou moins, soit b) les actifs de la société de personnes dans laquelle l’API est détenue satisfont au critère de la quasi-totalité.

Règles de calcul

En plus de dissiper la confusion sur la manière de déterminer si l’exigence de détention de trois ans est satisfaite, le projet de règlement apporte des précisions sur la manière de déterminer le montant du gain devant être recalculé. En général, le montant du gain qui fait l’objet d’une requalification en vertu de l’article 1061 correspond à la différence entre i) le montant du gain en capital à long terme déterminé en fonction de l’exigence de détention d’un an de l’article 1221 et ii) le montant du gain en capital à long terme déterminé en fonction de l’exigence de détention de trois ans de l’article 1061.

Pour les contribuables qui détiennent indirectement une API dans une société de personnes d’un échelon inférieur, le montant qui est requalifié en vertu de l’article 1061 est déterminé au niveau du contribuable en appliquant le calcul ci-dessus à la part attribuée au contribuable i) du revenu tiré de l’API dans la société de personnes d’un échelon inférieur, ii) du gain tiré de la cession de l’API dans la société de personnes d’un échelon inférieur, et iii) du gain tiré de la cession d’actifs précédemment attribués en lien avec l’API dans la société de personnes d’un échelon inférieur. Il convient de noter que même lorsque la période de détention d’une API dans la société de personnes d’un échelon inférieur qui a été vendue dépasse trois ans, le gain tiré de la vente de cette API peut être assujetti à la règle de transparence décrite ci-dessus.

Exclusions de l’application des règles relatives à la requalification

Le projet de règlement prévoit des exclusions de l’application des règles relatives à la requalification de l’article 1061 pour certains types de revenus et de gains, y compris les gains visés par l’article 1231 (les gains tirés de biens immobiliers commerciaux ou amortissables détenus depuis plus d’un an), les gains visés par l’article 1256 (les gains tirés de certains contrats et stellages (straddles) visés par l’article 1256) et les revenus de dividendes admissibles. Plus précisément, le projet de règlement prévoit que des gains ne seront pas requalifiés en vertu de l’article 1061 en gains en capital à court terme s’ils sont admissibles au traitement réservé aux gains en capital à long terme selon une disposition imposant des exigences distinctes en matière de période de détention (c’est-à-dire distinctes des règles générales de l’article 1222, laquelle prévoit le traitement en tant que gains en capital à long terme des actifs immobilisés dont la période de détention est supérieure à un an).

En fonction des règles décrites ci-dessus, le projet de règlement exclut généralement de l’application de l’article 1061 les gains tirés de biens immobiliers détenus aux fins d’un commerce ou d’une entreprise depuis plus d’un an, car ces gains sont habituellement admissibles au traitement réservé aux gains en capital à long terme conformément à l’article 1231 et non à l’article 1222. De plus, le projet de règlement étend cette exception aux règles relatives à la requalification de l’article 1061 afin d’inclure les dividendes sur les gains en capital versés par un fonds de placement immobilier (un « FPI ») ou une société de placement réglementée (regulated investment company ou « RIC ») s’ils sont attribuables à des gains visés par l’article 1231 selon la règle de transparence, à la condition que certaines exigences de déclaration soient satisfaites. Par conséquent, le détenteur d’une API rattachée à un placement dans une RIC ou un FPI peut bénéficier du traitement réservé aux gains en capital à long terme en ce qui concerne les dividendes sur les gains en capital provenant de placements sous-jacents détenus par la RIC ou le FPI qui satisfont à l’exigence de détention de trois ans, quelle que soit la durée pendant laquelle le détenteur de l’API a détenu indirectement ses titres de la RIC ou du FPI. Une exclusion, une règle de transparence et une exigence de déclaration semblables s’appliquent aux gains en capital nets liés à un choix de QEF.

Transferts entre parties liées

Il est stipulé dans le paragraphe 1061(d) que, dans certains cas, le transfert d’une API à une partie liée peut déclencher l’obligation de constater une partie du gain rattaché aux actifs sous-jacents. Plus précisément, selon l’interprétation du paragraphe 1061(d) énoncée dans le projet de règlement, la règle de transparence s’applique au contribuable qui transfère une API à une partie liée, en exigeant la prise en compte des actifs sous-jacents de la société de personnes rattachée à l’API, et la constatation comme gain en capital à court terme d’une somme correspondant au gain intégré dans les actifs sous-jacents qui ne satisfont pas à l’exigence de détention de trois ans. Le contribuable doit constater le gain même si le transfert de l’API peut, par ailleurs, ne pas être assujetti à l’obligation de constatation (s’il vise une contribution, une distribution, un échange ou un don, par exemple). Toutefois, il n’est pas nécessaire de constater un gain si l’API est transférée à une société de personnes qui, en vertu de l’article 721, n’est pas imposable, car le projet de règlement exige des sociétés de personnes qu’elles assurent le suivi des gains intégrés qui seraient autrement visés par l’article 1061 en appliquant des principes du type de ceux qui sont énoncés au paragraphe 704(c).

En général, on entend par « partie liée », aux fins de ces règles, certains membres de la famille (mais pas les frères et sœurs), certaines personnes qui ont fourni des services à l’ATB au cours de l’année d’attribution de l’API ou des trois années précédentes, et toute entité intermédiaire dans laquelle un tel membre de la famille ou fournisseur de services détient, directement ou indirectement, une participation.

Il convient d’examiner de plus près l’incidence que pourrait avoir cette règle de requalification sur les structures courantes en cas de transfert à une partie liée. Par exemple, dans le cas d’une structure de FPI à compartiments (UPREIT), dans laquelle un FPI coté en bourse possède et exploite des biens immobiliers par l’intermédiaire d’une société de personnes en exploitation que contrôle le FPI, les fournisseurs de services peuvent être rémunérés non pas en espèces, mais en parts attribuées par l’entremise du régime d’incitation à long terme (le « RILT ») de la société de personnes en exploitation. Les parts en provenance du RILT seraient considérées comme des API si le fournisseur de services fournit des services visant l’ATB rattaché à la société de personnes. En supposant que le FPI est le commandité de la société de personnes en exploitation, le FPI sera également un fournisseur de services de l’ATB. Par conséquent, la conversion par le fournisseur de services des parts en provenance du RILT en actions du FPI pourrait être visée par ces règles. Même si, en l’absence de ces règles, la conversion constituait généralement un échange imposable déclenchant l’obligation de constater le gain rattaché aux parts en provenance du RILT, d’après les règles du paragraphe 1061(d) et le projet de règlement, une partie ou la totalité de ce qui serait autrement un gain en capital à long terme pourrait être requalifiée en gain en capital à court terme.

Compte tenu du montant actuel de l’exonération viagère à l’égard de l’impôt sur les dons, qui s’élève à 11,58 millions de dollars, et du risque qu’un prochain changement d’administration entraîne l’adoption d’une loi qui réduirait ce montant, de nombreux gestionnaires de fonds envisagent de faire don de leur intéressement aux performances à la prochaine génération des membres de leur famille avant qu’une telle réduction du montant de l’exonération ne soit effectuée. (Même en l’absence d’une telle loi, il est prévu que le montant de l’exonération revienne en 2026 au montant antérieur à l’adoption de la loi TCJA, soit à un montant de 5 millions de dollars, qui sera rajusté pour tenir compte de l’inflation.) Afin de réaliser un tel transfert sans déclencher les obligations quant à l’impôt sur les dons et à l’évaluation considérées comme défavorables – qui risquent d’être déclenchées lorsqu’une participation dans une entité est transférée par donation à un membre de la famille – on a souvent recours à une structure en « tranche verticale » (vertical slice). Pour qu’un transfert puisse être reconnu comme transfert en tranche verticale, le gestionnaire de fonds qui transfère une partie de son intéressement aux performances à des membres de sa famille doit transférer un montant proportionnel de chacune des autres participations dans le fonds que celui-ci (et certaines parties liées) détient. À la lumière du projet de règlement et de son application potentielle aux dons entre parties liées, il convient de planifier avec prudence le transfert à titre gratuit d’API à des membres de la famille, y compris le transfert en tranche verticale.

Distributions de biens en nature

L’article 1061 fait obstacle aux détenteurs d’API qui tenteraient d’éviter l’application de cet article en effectuant une distribution en nature de biens ne satisfaisant pas à l’exigence de détention de trois ans en faveur d’un autre détenteur d’API, pour que celui-ci les vende ensuite. Il est précisé dans le projet de règlement que si une société de personnes effectue une distribution en nature d’un bien en faveur du détenteur d’une API, alors i) la distribution ne déclenchera pas l’obligation de constater le gain rattaché au bien distribué, mais ii) le gain tiré de la vente du bien distribué sera assujetti à l’article 1061 s’il n’était pas détenu depuis plus de trois ans au moment de sa vente (à cette fin, on tient compte de la période durant laquelle la société de personnes a détenu le bien). Les distributions en nature ne peuvent pas être utilisées pour contourner l’article 1061, mais elles peuvent permettre au bénéficiaire d’une distribution en nature de disposer du bien distribué à sa discrétion et de déterminer ensuite individuellement si l’exigence de détention de trois ans est satisfaite.

Date d’entrée en vigueur

Il est indiqué dans le projet de règlement que le règlement définitif s’appliquera généralement aux années d’imposition commençant à la date d’adoption du règlement définitif ou après cette date, étant entendu, toutefois, que les contribuables peuvent se fonder sur le projet de règlement pour les années d’imposition commençant avant la date de publication du règlement définitif, à la condition d’appliquer les règles proposées de manière cohérente. La règle du projet de règlement stipulant que les API détenues par une société S ne donnent pas droit à l’exception prévue pour les sociétés par actions entre en vigueur pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2017; la règle stipulant que les API détenues par une PFIC à l’égard de laquelle un choix de QEF a été fait ne donnent pas droit à l’exception prévue pour les sociétés par actions entre en vigueur pour les années d’imposition commençant après le 6 août 2020.

Conclusion

Le projet de règlement contient des éclaircissements utiles à l’interprétation et à l’application des règles concernant l’intéressement aux performances de l’article 1061, mais ces règles sont très complexes et, dans certains cas, laissent des questions en suspens ou soulèvent des questions supplémentaires que, espérons-le, le règlement définitif réglera. Étant donné que certaines des dispositions du projet de règlement peuvent être considérées comme controversées, nous nous attendons à ce que les commentaires et les questions soient nombreux durant la période de consultation.

1 Sauf indication contraire, on entend par « article », « paragraphe » ou « alinéa », un article, un paragraphe ou un alinéa de la loi intitulée Internal Revenue Code of 1986, dans sa version modifiée.

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Federal Budget 2024: How It Impacts You and Your Business

16 avr. 2024 - Traduction en cours. On April 16, 2024 (Budget Day) the Honourable Chrystia Freeland, Deputy Prime Minister of Canada and Minister of Finance, delivered the Liberal Party’s federal budget (Budget 2024). Budget 2024 included a number of proposed changes to the...