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Lutte contre la corruption : l’OCDE publie des lignes directrices visant à promouvoir un changement de culture au sein des entreprises et de la société

Auteurs : Léon H. Moubayed, Fanny Albrecht et Patrice Labonté

La lutte contre la corruption est un défi quotidien qui exige une prise de conscience de tous quant à la nécessité de promouvoir un réel changement de culture. Bien qu’essentielles, les lois et les politiques internes ne suffisent pas à prévenir la corruption. Elles doivent être associées à une véritable culture visant à lutter contre la corruption, des mentalité et valeurs rejetant et condamnant toute forme de pratiques de corruption et au cœur desquelles l’intégrité fait partie intégrante, quotidiennement, de la vie de tous les acteurs de la société.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui a toujours été un leader mondial dans la lutte contre la corruption, a récemment confirmé la nécessité d’associer toutes les parties prenantes à la promotion de l’intégrité publique. Le 20 mai 2020, l’OCDE a publié son nouveau manuel « Public Integrity Handbook » (dont une version française sera éventuellement publiée, le « Manuel »). Plus qu’une simple liste énumérative, le Manuel fournit de véritables lignes directrices et conseils pratiques ayant pour but d’aider à favoriser l’intégrité publique au sein de toute organisation et à en faire la promotion, y compris dans le secteur privé.

Changement de culture : les Recommandations de 2017 sur l’intégrité publique

Historiquement, la lutte contre la corruption impliquait davantage la mise en place de nombreuses règlementations, de mesures de conformité plus strictes et de sanctions plus sévères des gouvernements. Cette approche a mené à l’adoption d’instruments significatifs de lutte contre la corruption1. Toutefois, cette approche s’est avérée insuffisante pour les raisons suivantes :

  • Elle ne répond pas pleinement à la complexité des interactions entre le secteur public et les organisations du secteur privé,
  • Elle ne tient pas entièrement compte des effets néfastes de la corruption, tels que le gaspillage de ressources publiques, les inégalités économiques et sociales et la méfiance envers les institutions publiques.

En 2017, afin d’aborder de façon pragmatique ces problématiques, l’OCDE a publié ses Recommandations sur l’intégrité publique, qui énoncent 13 principes permettant de favoriser l’intégrité publique en proposant bien plus que des règles strictes, des simples politiques d’intégrité ou une « liste d’éléments à cocher ».

Selon ses Recommandations, l’OCDE en conclut qu’il est difficile de lutter contre la corruption sans mettre en place des mesures concrètes et concertées s’articulant autour des « trois piliers de l’intégrité » suivants :

  1. un changement de culture afin de rendre la corruption socialement inacceptable,
  2. un véritable système afin de réduire toute opportunité de corruption,
  3. une responsabilisation de chaque acteur de la société.

Le Manuel sur l’intégrité publique : les principaux points à retenir pour les entreprises

Le Manuel de l’OCDE est un outil important ayant pour objet d’aider les organisations à mettre en œuvre les 13 principes énoncés dans les Recommandations de 2017.

Les principaux points adressés aux entreprises et à retenir sont les suivants :

  • Les règles et les valeurs d’une organisation doivent être concrètes, faciles à mémoriser et faire partie intégrante de ses politiques et stratégies internes. Les politiques et instruments de formation doivent fournir des exemples pratiques qui répondent aux dilemmes éthiques auxquels les entreprises peuvent être confrontées au quotidien.
  • Il ne suffit pas d’avoir des règles. La direction doit ouvertement prôner et favoriser l’intégrité dans ses échanges habituels et quotidiens avec les membres de leur équipe.
  • Une culture entrepreneuriale favorable au dialogue au sein de laquelle les employés, les gestionnaires et les dirigeants peuvent librement faire part de leurs préoccupations et signaler des pratiques de corruption présumées doit être mise en place. Les dilemmes éthiques et les problématiques soulevées doivent pouvoir être abordés ouvertement, sans crainte de représailles.
  • Montrer l’exemple contribue grandement à favoriser une culture d’intégrité. Les cadres supérieurs devraient, de façon systématique et régulière, prendre position en faveur de l’intégrité dans leurs communications et s’assurer que les départements en charge des questions d’intégrité soient dotés du personnel et des ressources appropriés.
  • Le leadership en matière d’intégrité – qui, selon l’OCDE, est à la fois un trait de caractère et un style visant à adopter des normes supérieures et à favoriser la prise de décisions éthiques – devrait faire partie des critères d’embauche et guider la formation, l’évaluation et la promotion des cadres à tous les échelons d’une organisation.
  • Définir précisément à qui incombe la responsabilité de concevoir, diriger et mettre en œuvre un système d’intégrité au sein d’une organisation et s’assurer que les membres et les différents services de cette organisation comprennent cette répartition, est un aspect essentiel à privilégier.
  • Un véritable dispositif de protection des lanceurs d’alerte clair et détaillé doit être mis en place. Ce dernier n’est toutefois pas suffisant en soi. Les employés doivent se sentir libres d’émettre un signalement lorsqu’ils le jugent approprié, doivent préalablement comprendre la procédure à suivre et être informés des répercussions possibles en cas de signalement. De nombreuses options de dénonciation devraient être mises à la disposition des lanceurs d’alerte pour faciliter le signalement sans crainte de représailles.
  • Une enquête et des sanctions doivent être rapidement mises en place en cas d’acte répréhensible signalé ou découvert au sein d’une organisation. Toutes mesures visant à remédier à une situation ayant permis ou favorisé un acte de corruption doivent être également mises en place.

Atténuation des risques

Le nouveau Manuel fait partie d’un ensemble d’outils mis à la disposition des organisations afin de soutenir leurs efforts de lutte contre la corruption – lesquels incluent (en anglais seulement) : Lignes directrices de la Banque mondiale, le Resource Guide to the U.S. Foreign Corrupt Practices Act (États-Unis) et le Guidance on The Bribery Act, 2010 (Royaume-Uni).

Bien que cela soit aux entreprises de décider de la mise en œuvre des lignes directrices recommandées en matière de lutte contre la corruption, de favoriser le changement de culture requis, et de placer les mesures anti-corruption au cœur de leurs priorités, le Manuel fournit des orientations et des conseils utiles pour déceler et atténuer les risques auxquels les organisations de tous les secteurs sont continuellement confrontées, notamment en temps de crise. Ainsi, les vulnérabilités causées par les perturbations économiques mondiales sont des exemples concrets des défis auxquels tente de répondre le Manuel.

1 En particulier, la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales (intégrée, au Canada, dans la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers) et la Convention des Nations Unies contre la corruption, New York, 2004.

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