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L’Autorité des marchés publics dispose de nouveaux pouvoirs de supervision des contrats publics

Auteurs : Louis-Martin O’Neill, Agnès Pignoly et Patrice Labonté

Les dispositions sur le traitement des plaintes, la communication de renseignements et la divulgation d’actes répréhensibles auprès de l’Autorité des marchés publics (l’« AMP ») entrent en vigueur le 25 mai 2019. Une personne ou société de personnes intéressée qui désire porter plainte ou communiquer des renseignements dans le cadre d’un contrat ou d’un processus d’octroi de contrat peut désormais le faire auprès de l’AMP suivant les mécanismes prévus à la Loi sur l’autorité des marchés publics1 (« LAMP »).

Mission de l’AMP

Suite à la première recommandation de la Commission Charbonneau, l’AMP est entrée en fonction le 25 janvier 2019. La majorité des activités de l’Autorité des marchés financiers qui étaient prévues à la Loi sur les contrats des organismes publics2 ont alors été transférées à l’AMP.

À compter du 25 mai 2019, l’AMP intègre à sa mission celle de surveiller tout processus contractuel déterminé par le gouvernement3. Pour accomplir cette mission, l’AMP sera désormais chargée des fonctions additionnelles suivantes :

  • examiner les processus d’adjudication ou d’attribution des contrats publics à la suite d’une plainte ou à la suite d’une communication de renseignements;
  • examiner l’exécution d’un contrat public à la suite d’une communication de renseignements;
  • veiller au maintien d’une cohérence dans l’examen des processus d’adjudication et d’attribution des contrats publics ainsi que dans l’examen de l’exécution de tels contrats; et
  • effectuer une veille des contrats publics aux fins notamment d’analyser l’évolution des marchés et les pratiques contractuelles des organismes publics et d’identifier les situations problématiques affectant la concurrence4.

Les organismes publics auront l’obligation de transmettre à l’AMP tout document et tout renseignement jugés nécessaires par l’AMP pour remplir ses fonctions5.

Mécanismes de plainte

À compter du 25 mai 2019, toute personne ou société de personnes intéressée (ou leur représentant) pourront déposer une plainte6 à l’AMP au sujet :

  • d’un processus d’adjudication de contrats publics;
  • de la décision d’un organisme public quant à l’attribution d’un contrat public; ou
  • de modifications apportées aux documents d’un appel d’offres.

Lorsque la plainte à l’AMP concerne le processus d’adjudication, le plaignant doit au préalable s’être plaint auprès de l’organisme public de la problématique.

Une fois la décision reçue de l’organisme, et selon le type de plainte impliqué, le plaignant dispose généralement d’un délai de trois jours pour formuler sa plainte à l’AMP pour qu’elle soit recevable7.

Le traitement d’une plainte par l’AMP n’empêche toutefois pas le plaignant de déposer un recours civil fondé sur les mêmes faits8. En contrepartie, un recours judiciaire portant sur les mêmes faits que ceux exposés dans une plainte à l’AMP est un motif de rejet de celle-ci9.

Finalement, une personne ou société de personnes qui croit avoir été victime de représailles pour qu’elle s’abstienne de formuler une plainte ou parce qu’elle a de bonne foi effectué une communication de renseignements ou collaboré à une vérification de l’AMP pourra porter plainte auprès de cette dernière10.

Communication de renseignements

Une personne peut également communiquer à l’AMP des renseignements relatifs, entre autres, à un processus d’adjudication ou d’attribution d’un contrat public, ou à l’exécution d’un tel contrat, lorsque l’organisme public concerné n’apparaît pas agir ou avoir agi, à l’égard de ce processus ou de ce contrat, en conformité avec le cadre normatif.

Cette communication est permise sans égard aux dispositions légales restreignant normalement la communication de renseignements à des tiers, notamment le secret professionnel (sauf celui de l’avocat ou du notaire) ou de l’obligation de confidentialité ou de loyauté d’un employé envers son employeur11.

Pouvoirs d’intervention de l’AMP

Dans le cadre de son exercice de veille, l’AMP pourra recueillir, compiler et analyser des renseignements relatifs aux contrats publics et diffuser ses constatations aux organismes publics12.

Au terme d’une vérification ou d’une enquête, l’AMP peut ordonner à l’organisme public de ne pas donner suite à son intention de conclure de gré à gré un contrat public lorsqu’elle est d’avis qu’un plaignant ayant manifesté son intérêt est en mesure de réaliser ce contrat. L’organisme public devra alors recourir à un appel d’offres public s’il entend conclure ce contrat13.

L’AMP a également le pouvoir de suspendre, examiner, annuler et réviser un processus d’adjudication ou d’attribution d’un contrat public, ou d’ordonner à un organisme public de modifier ses documents d’appel d’offres, à la suite d’une plainte lorsque l’organisme public concerné n’apparaît pas agir, à l’égard de ce processus ou de ce contrat, en conformité avec le cadre normatif14.

Nouvelles dispositions pour les municipalités

En outre, à compter du 25 mai 2019, les municipalités ont l’obligation de publier sur le site du Système électronique d’appel d’offres du Gouvernement du Québec un avis d’intention de 15 jours avant la conclusion d’un contrat de gré à gré avec un fournisseur unique pour une valeur au-dessus du seuil établi par décret15.

Pour la Ville de Montréal, les fonctions et pouvoirs normalement dévolus à l’AMP sont pour la majorité confiés à l’inspecteur général de la Ville de Montréal16.

Impact des nouvelles fonctions de l’AMP pour l’avenir

Les nouveaux pouvoirs dont dispose l’AMP permettront aux parties désirant contracter auprès des organismes publics de faire valoir leurs représentations en vue d’assurer un traitement intègre et équitable des concurrents, et à l’AMP d’intervenir lorsque nécessaire. Ces nouveaux mécanismes représentent un changement important quant aux recours permettant de contester un processus d’adjudication ou d’attribution d’un contrat public, lesquels étaient jusqu’à lors limités au Québec aux recours devant les juridictions de droit commun.

En raison de ces changements, les parties aux contrats publics devraient anticiper un ralentissement potentiel des processus d'adjudication et d'attribution des contrats publics au cours des prochains mois. En effet, une plainte recevable peut notamment entraîner le report de la date limite de réception des soumissions pendant la période où l’organisme public ou l’AMP complète sa vérification et rend une décision.

D’autres dispositions relatives à l’AMP entreront en vigueur à une date à être déterminée par décret du gouvernement. Suivant ces dispositions, l’AMP deviendra responsable de tenir et rendre accessible aux organismes publics un sommaire des évaluations du rendement des contractants17.

1RLRQ, c. A-33.2.1.

2RLRQ, c. C-65.1.

3Art. 19 al. 2 LAMP.

4Art. 21 al. 1 (1), (2), (3), (5), (7) et al. 2 LAMP.

5Art. 34 LAMP.

6Toute plainte doit être déposée par voie électronique suivant le formulaire de plainte obligatoire de l’AMP, lequel devrait être publié sous peu sur son site web.

7Art. 37, 38, 39 et 40 LAMP.

8Art. 52 al. 2 LAMP.

9Art. 46 al. 1(7) LAMP.

10Art. 51, 63, 64 et 65 LAMP.

11Art. 56 LAMP.

12Art. 31 al. 1 (7) LAMP.

13Art. 29 al.1 (2) LAMP.

14Art. 29 LAMP.

15Art. 13.1 Loi sur les contrats des organismes publics, RLRQ, c. C-65.1; art. 573.3.0.0.1 Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19; art. 938 Code municipal du Québec, RLRQ, c. C-27.1; art. 112.5 Loi sur la communauté métropolitaine de Montréal, RLRQ, c. C-37.01; Art. 105.5 Loi sur la communauté métropolitaine de Québec, RLRQ, c. C-37.02

16Art. 68 LAMP.

17Art. 129 Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics, LQ 2017, c. 27.

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