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La règle des 30 % applicable aux régimes de pension au Canada : à prendre ou à laisser ?

Auteurs : R. Ian Crosbie, Christopher Anderson et Raj Juneja

Les régimes de pension au Canada et leurs filiales, sauf les filiales autorisées des secteurs de l’immobilier, des ressources et des placements, sont assujettis à des règles qui les empêchent d’investir dans les actions d’une société comportant plus de 30 % des droits de vote pouvant être exercés en vue de l’élection des administrateurs (cette règle étant communément appelée la règle des 30 %). Dans le budget 2015, le gouvernement fédéral a annoncé que la règle des 30 % serait revue. À cette fin, le 3 juin 2016, le ministère des Finances a publié un document de consultation dans lequel il invite les parties intéressées à lui faire part de leurs commentaires quant à la pertinence du maintien, de l’assouplissement ou de l’élimination de la règle des 30 % pour les régimes de pension sous réglementation fédérale. Le document de consultation vise également à recueillir des commentaires sur un certain nombre de questions liées à la gouvernance, aux investissements et au traitement fiscal découlant de l’application de la règle des 30 %.

Ce processus de consultation fait suite à l’annonce, en 2015, de l’intention du gouvernement de l’Ontario d’abolir la règle des 30 % pour les régimes de pension sous réglementation provinciale.

Initialement, la règle des 30 % visait à contraindre les régimes de pension à être des investisseurs passifs plutôt que des investisseurs actifs participant à la gestion quotidienne des activités des entreprises dans lesquelles ils investissent. Toutefois, les faibles taux d’intérêt et la volatilité sur les marchés boursiers ont incité, du moins en partie, les régimes de pension à effectuer un plus grand nombre d’investissements en capitaux propres d’entreprises non cotées ou d’investissements semblables leur permettant d’acquérir une participation plus importante dans les entreprises visées. Les régimes de pension ont recours à divers mécanismes et à diverses structures afin d’atténuer l’impact de la règle des 30 % sur ces investissements.

La règle des 30 % a pour effet de limiter uniquement le pourcentage d’actions avec droit de vote dont un régime de pension peut être propriétaire. Elle n’empêche pas un régime de pension d’acquérir une participation supérieure à 30 %, par exemple, en investissant non seulement dans des actions avec droit de vote comportant 30 % des droits de vote, mais également dans des actions sans droit de vote d’une entreprise. Le document de consultation vise à solliciter des commentaires sur les questions suivantes : la raison d’être initiale de la règle des 30 % est-elle encore de mise; le fait, pour les régimes de pension, de jouer un rôle actif dans l’exploitation d’une entreprise comporte-t-il des risques supplémentaires; et, le cas échéant, devrait-on adopter d’autres règles concernant les investissements effectués par des régimes de pension pour tenir compte de ces risques dans le cadre de l’assouplissement de la règle des 30 % ?

Il est discuté dans le document de consultation que la règle des 30 % pourrait limiter les types d’investissements que peuvent effectuer les régimes de pension et ainsi avoir une incidence sur le rendement que les régimes de pension pourraient tirer de leurs investissements et sur l’efficience des marchés financiers. Le document de consultation vise à solliciter des commentaires sur la question de savoir si la règle des 30 % nuit aux rendements que pourraient tirer les régimes de pension de leurs investissements ou si elle impose aux régimes de pension un fardeau financier supplémentaire. Les parties intéressées sont également invitées à se prononcer sur la question de savoir si la règle des 30 % crée une iniquité entre les régimes de pension de plus grande envergure et ceux de moindre envergure ou si l’abolition de cette règle est susceptible de produire un tel effet.

La plupart des pays n’ont pas adopté de mesures restrictives, comme la règle des
30 %, ayant pour effet de limiter les sommes que peuvent investir les régimes de pension dans les actifs d’une entreprise. Toutefois, le régime fiscal de bon nombre de ces pays contient des dispositions qui limitent l’efficience fiscale dont peuvent se prévaloir les régimes de pension qui investissent dans les actifs d’une entreprise, ce qui n’est pas le cas en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenue (Canada). Les régimes de pension au Canada peuvent donc structurer leurs investissements dans des entreprises de manière à réduire ou à éliminer l’impôt au niveau de l’entité, par exemple, en capitalisant l’investissement avec des fonds provenant en grande partie d’un emprunt contracté auprès d’une partie liée ou en effectuant l’investissement par l’entremise d’une société « intermédiaire », comme une société de personnes. Il existe des régimes fiscaux qui sont assortis de règles fiscales propres à de tels investissements. C’est notamment le cas de l’Internal Revenue Code des États-Unis qui prévoit des règles concernant le dépouillement des bénéfices (« earning stripping rules ») ayant pour effet de limiter la déductibilité des intérêts versés aux régimes de pension et à certains autres investisseurs dans certaines circonstances déterminées. En vertu de l’Internal Revenue Code des États-Unis, les régimes de pension et les autres entités exonérées d’impôt dont certains types de revenu proviennent, directement ou indirectement, d’une entité intermédiaire, doivent payer de l’impôt sur le revenu provenant d’autres sources. Le document de consultation vise à recueillir des commentaires sur la question de savoir si le Canada devrait adopter de nouvelles règles fiscales, semblables à celles que l’on retrouve aux États-Unis ou dans d’autres pays, afin de maintenir l’assiette fiscale canadienne malgré l’élimination ou l’assouplissement de la règle des 30 %.

Selon le document de consultation, les parties intéressées ont jusqu’au 16 septembre 2016 pour soumettre leurs commentaires concernant la règle des 30 %.

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