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Les États-Unis proposent d’encadrer plus étroitement les scissions partielles

Auteurs : Peter Glicklich et Gregg M. Benson

Les actionnaires activistes de sociétés publiques réclament fréquemment la réalisation de scissions partielles avec distribution ou échange d’actions (les « scissions ») dans le but d’accroître la valeur de leur placement. Les actionnaires qui proposent ces opérations partent de l’hypothèse qu’elles seront réalisées en franchise d’impôt, car, si elles ne l’étaient pas, tant la société qui distribue les actions (la « société distributrice ») que les actionnaires de celle-ci pourraient être assujettis à l’impôt. La société qui fait l’objet de la scission (la « société contrôlée ») peut également, aux termes de conventions inter-sociétés, assumer l’obligation fiscale de la société distributrice (en particulier si les mesures qu’elle prend entraînent ultérieurement l’obligation de payer de l’impôt). Il reste qu’il faut surmonter plusieurs obstacles pour arriver à réaliser, en franchise d’impôt, une scission : une telle opération doit satisfaire à une foule d’exigences rigoureuses énoncées dans le Internal Revenue Code des États-Unis (le « Code »), la réglementation du département du Trésor et la jurisprudence. À titre d’exemple, immédiatement après la réalisation de la scission, le Code exige que la société distributrice, ainsi que la société contrôlée, doivent avoir une entreprise admissible exploitée activement depuis cinq ans se terminant à la date de la scission (le « critère de l’entreprise exploitée activement »); de plus, l’opération ne doit pas simplement constituer un stratagème permettant de distribuer les gains et bénéfices (le « critère relatif à l’utilisation d’un stratagème).1 La présente communication porte principalement sur ces deux critères qui sont visés par des projets de règlement récemment proposés (les « règlements proposés »).

Contexte

Jusqu’à récemment, l’Internal Revenue Service (« l’IRS ») a accepté de rendre des décisions anticipées qui permettent de réduire l’incertitude quant à savoir si une distribution sera admissible à titre de scission libre d’impôt. De plus, il arrive que le Congrès américain assouplisse les exigences à remplir pour qu’une scission soit considérée comme étant réalisée en franchise d’impôt, par exemple en adoptant un critère qui s’applique à toutes les entités du même groupe pour déterminer si le critère de l’entreprise exploitée activement est rencontré. Ces dernières années, cependant, le Congrès a choisi de restreindre l’admissibilité d’une scission à titre d’opération libre d’impôt dans le cas d’une scission d’une société ayant des liquidités importantes ou d’une scission réalisée après l’acquisition d’un bloc de contrôle, ainsi que dans le cas d’une opération comportant un changement de contrôle de la société distributrice ou de la société contrôlée aux termes d’un plan avant ou après ladite scission.

En septembre 2015, l’IRS a annoncé, par le truchement des documents Notice 2015-59 et Revenue Procedure 2015-43 (la « procédure 2015-43 »), qu’il allait réexaminer la question de savoir si une scission avec distribution d’actions peut être réalisée en franchise d’impôt lorsque la société distributrice ou la société contrôlée détenaient une entreprise exploitée activement de petite envergure et des actifs de placement relativement importants. L’IRS a sollicité des commentaires sur ces questions, puis a publié de nouvelles lignes directrices concernant les décisions anticipées. Selon ces dernières, l’IRS ne rendrait plus, de façon générale, de décisions anticipées à l’égard d’opérations dans le cadre desquelles le pourcentage des actifs liés à l’entreprise exploitée activement représentait moins de 5 % de la valeur totale des actifs de la société distributrice ou de la société contrôlée et, pour un certain temps, ne rendrait aucune décision anticipée à l’égard d’une opération remplissant les trois conditions suivantes : au moins deux tiers des actifs de la société distributrice ou de la société contrôlée étaient des actifs de placement; l’entreprise exploitée activement représentait moins de 10 % de la valeur totale des actifs de la société distributrice ou de la société contrôlée; et le coefficient des actifs de placement par rapport à la valeur totale des actifs de la société distributrice ou de la société contrôlée correspondait à trois fois celui de l’autre société.2

Il semblerait que seule la section Fiscalité du barreau de l’État de New York a soumis des commentaires (en mi-avril 2016) en réponse à la Notice 2015-59. Malgré tout, l’IRS a publié les règlements proposés le 14 juillet 2016. Les règlements s’appliqueraient de façon générale aux opérations qui seront réalisées après qu’ils auront été publiés dans leur forme définitive.3

Mise en contexte des nouvelles règles

Tel qu’il est mentionné dans le préambule, les règlements proposés prévoiraient des règles fondées sur des critères plus objectifs.4 Les règlements proposés présentent différentes dates d’évaluation possibles pour l’application des critères objectifs, mais exigent que les parties utilisent la même date de façon uniforme.

Critère de minimis de l’entreprise exploitée activement. Le plus claire et le plus objective des règlements proposés réside dans le critère de l’entreprise exploitée activement. Comme le laissait présager la procédure 2015-43, les règlements proposés exigeraient que les actifs liés à l’entreprise exploitée activement (satisfaisant l’analyse d’admissibilité d’exploitation depuis cinq ans) représentent au moins 5 % de la valeur totale des actifs de la société distributrice et de la société contrôlée.

Nouvelle mouture du critère relatif à l’utilisation d’un stratagème. Dans sa nouvelle mouture, le critère relatif à l’utilisation d’un stratagème comporterait une analyse fondée sur une pléthore de critères objectifs. Par contraste, aux termes des règlements actuellement en vigueur, il faut analyser le critère relatif au stratagème en fonction « de tous les faits et circonstances » et mettre en balance trois facteurs indiquant la présence d’un stratagème (device factors) et trois facteurs pointant vers une conclusion contraire (nondevice factors). Les règlements en vigueur ne donnent que peu d’indications sur la façon de pondérer ces facteurs. À titre d’exemple de preuve de stratagème, on donne le fait, pour la société distributrice ou la société contrôlée, de détenir un pourcentage d’actifs de placement disproportionné par rapport à celui des actifs liés à l’entreprise exploitée activement depuis cinq ans. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, les règlements proposés prévoient des règles fondées sur des critères plus objectifs qui tiennent compte, pour chaque partie à l’opération qui est soumise à l’analyse selon le critère relatif à l’utilisation d’un stratagème, du pourcentage relatif des actifs non liés à l’entreprise (nonbusiness assets) par rapport à la valeur totale des actifs. Des règles particulières s’appliqueraient à la classification des actifs d’une société de personnes auxquels on pourrait attribuer la qualification d’entreprise exploitée activement, ainsi qu’au calcul du pourcentage des actifs, composés d’actions ou de titres d’emprunt, non liés à l’entreprise d’une filiale détenue à 50 % ou plus. Dans chacune de ces deux situations, les règlements proposés n’imposeraient l’obligation de procéder à une analyse détaillée (look-through approach) qu’en fonction de la valeur nette représentée par la société de personnes ou la participation détenue dans la filiale à 50 % ou plus, et non pas en fonction des actifs bruts sous-jacents de celle-ci.

Les règlements proposés prévoiraient l’application d’un critère objectif dans le cas où l’on invoque que l’opération en cause ne constitue pas un stratagème (spécifiquement, lorsque le pourcentage des actifs non liés à l’entreprise de chaque entité est inférieur à 20 %, lorsque l’écart entre les coefficients est inférieur à 10 % ou lorsque la distribution n’est pas faite au prorata). De même, les règlements proposés comprendraient une règle à deux volets sur les stratagèmes réputés (per se device) qui fait appel à une analyse fondée sur des critères objectifs. Le premier volet serait satisfait si au moins 66 2/3 % de la valeur totale des actifs de la société distributrice ou de la société contrôlée se composent d’actifs non liés à l’entreprise. Selon le deuxième volet, il faudrait comparer le pourcentage des actifs non liés à l’entreprise de la société distributrice et de la société contrôlée. Le deuxième volet serait satisfait si l’une des conditions suivantes est réunie : (i) le pourcentage des actifs non liés à l’entreprise de l’une des sociétés représente au moins 66 2/3 % mais moins de 80 %, et que le pourcentage des actifs non liés à l’entreprise de l’autre société est inférieur à 30 %; (ii) le pourcentage des actifs non liés à l’entreprise de l’une des sociétés représente au moins 80 % mais moins de 90 %, et que le pourcentage des actifs non liés à l’entreprise de l’autre société est inférieur à 40 %; ou (iii) le pourcentage des actifs non liés à l’entreprise de l’une des sociétés est d’au moins 90 % mais que le pourcentage des actifs non liés à l’entreprise de l’autre société est inférieur à 50 %. Si l’opération satisfait aux deux volets de l’analyse, elle sera considérée comme un stratagème, malgré la présence de facteurs militant en faveur d’une conclusion contraire.5

Autre modification des règles actuelles, les règlements proposés ne permettraient pas qu’une preuve d’objectif commercial bien définie l’emporte automatiquement sur une preuve de facteurs indiquant la présence d’un stratagème. Plus particulièrement, lorsque des actifs non liés à l’entreprise sont répartis de façon disproportionnée, la preuve d’un objectif commercial bien définie ne pourrait l’emporter, à moins que le caractère disproportionné de la répartition ne soit justifié par une exigence commerciale essentielle. Parmi les exemples donnés dans les règlements proposés pour illustrer une opération ne constituant pas un stratagème, on trouve l’utilisation de tels actifs dans les six mois suivant la scission.

Règles anti-abus. Les règlements proposés comprennent un certain nombre de règles anti-abus ayant pour objet de permettre à l’IRS d’écarter certaines opérations réalisées avec des parties liées dans le but principal de modifier le pourcentage des actifs non liés à l’entreprise ou le pourcentage des actifs liés à l’entreprise exploitée activement qui entrent en compte dans l’analyse fondée sur les critères objectifs figurant dans les règlements proposés; cependant, des exceptions sont prévues pour les opérations effectuées avec des sociétés membres du même groupe. Selon le préambule, les règlements proposés annulent une interprétation des règlements en vigueur qui permettait de tenir compte des achats d’actifs intragroupe (sans égard à l’entité du groupe qui détenait les actifs en question) aux fins de l’analyse permettant de déterminer si le critère de l’entreprise exploitée activement était satisfait.

Conclusion

L’adoption d’un critère de minimis permettant d’établir l’admissibilité d’une entreprise n’a rien de très étonnant, et la procédure 2015-43 laissait entrevoir la mise en œuvre de la règle de 5 %. En revanche, l’adoption d’exigences de proportionnalité détaillées et rigoureuses en ce qui concerne les actifs non liés à l’entreprise surprend davantage. Cet aspect des règlements proposés prêtera à controverse. Mais moins d’incertitude dans ce secteur important de l’univers fiscal ne ferait pas de tort.

1Au nombre des autres exigences, on compte les suivantes : avoir un objet commercial valable, ne pas avoir acquis les entreprises exploitées activement au cours des cinq dernières années dans le cadre d’une opération imposable, et distribuer des actions de la société contrôlée qui représentent un bloc de contrôle. L’IRS a récemment publié un document intitulé Revenue Procedure 2016-40 (la « procédure 2016-40 »), sans lien avec les règlements proposés. La procédure 2016-40 prévoit une règle exonératoire aux termes de laquelle les contribuables qui ont mis en œuvre une structure d’actions avec droit de vote élevé afin de satisfaire à l’exigence de contrôle énoncée dans les règles relatives aux scissions avec distribution d’actions peuvent démonter la structure sans que l’opération cesse d’être admissible à titre de scission avec distribution d’actions libre d’impôt, à condition de le faire dans les 24 mois suivant la scission.

2La procédure 2015-43 visait également les opérations comportant une scission avec distribution des actions suivie d’une conversion de la société visée en fiducie de placement immobilier (real estate investment trust) ou en société de placement réglementée (regulated investment company); or, en décembre 2015, le Congrès a imposé des restrictions aux opérations de cette nature, et les règlements adoptés récemment imposent la constatation immédiate des gains réalisés dans le cadre de ces conversions.

3Les règlements proposés comprennent une règle de transition prévoyant que les règlements ne s’appliquent pas à une distribution qui (i) est effectuée aux termes d’une convention, d’une résolution ou d’une autre mesure exécutoire au plus tard à la date à laquelle la version définitive des règlements est publiée dans le Federal Register; (ii) est décrite dans une demande de décision anticipée soumise à l’IRS au plus tard le 15 juillet 2016; et (iii) est décrite dans une annonce publique ou dans un document déposé auprès de la Securities and Exchange Commission des États-Unis au plus tard à la date à laquelle la version définitive des règlements est publiée dans le Federal Register.

4 Selon le préambule, la règle du critère de minimis ne doit pas être considérée comme opposant une décision anticipée qui a été publiée antérieurement; toutefois, on indique que la décision anticipée sera modifiée.

5Cette règle comporte certaines exceptions à ce critère relatif à l’utilisation d’un stratagème (règlement per se), notamment une exception visant les distributions versées à une société qui aurait droit à une déduction pour dividendes reçus et une exception pour certaines opérations qui ne sont pas habituellement considérées comme des stratagèmes en vertu des règlements en vigueur (p. ex., les distributions effectuées malgré l’absence de gains et bénéfices – de telles distributions, en l’absence de l’article 355 du Code, seraient considérées comme un rachat imposable au même titre qu’une vente ou un échange, tel qu’une scission avec échange d’actions).

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