Bulletin

Le programme de dénonciation ou la dénonciation du programme

Auteurs : Patricia L. Olasker, Luis Sarabia, Andrew Cooley et Mindy B. Gilbert

Davies a adressé à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) une lettre commentant le cadre proposé par le personnel de la CVMO pour son projet de programme de dénonciation. Il s’agirait du premier programme du genre pour les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières et du deuxième programme canadien de dénonciation seulement à offrir des incitatifs financiers.

Comme nous l’indiquions dans notre lettre de commentaires, nous sommes bien conscients que l’élaboration du programme de dénonciation implique un arbitrage délicat entre les objectifs liés à l’application de la loi, d’une part, et l’ingérence de l’État dans les affaires des émetteurs assujettis, d’autre part. Toutefois, nous craignons que le programme de dénonciation proposé ne trace les limites au mauvais endroit. Voici les préoccupations que nous avons exprimées dans notre lettre de commentaires.

Récompenses en argent : des incitatifs aux effets pervers

Le fait d’offrir des récompenses en argent pour des informations fournies par des dénonciateurs pourrait créer des incitatifs dont les effets sont pervers et susceptibles de nuire, en définitive, à l’application de la loi et à la protection des investisseurs, par exemple :

  • en encourageant les dénonciateurs à faire des signalements dénués de fondement, ce qui grèverait les ressources de la CVMO et celles des émetteurs assujettis appelés à traiter ces signalements;
  • en encourageant les dénonciateurs à ne rien faire et à laisser une inconduite potentielle dégénérer en inconduite réelle, donnant lieu à une récompense plus élevée et à des cas de contravention à la législation en valeurs mobilières;
  • en minant l’efficacité des procédures internes de conformité, puisqu’on découragerait le dénonciateur de signaler l’inconduite à l’interne d’abord, conformément à ces procédures.

Utilisation abusive des informations confidentielles ou privilégiées

Encourager un employé à divulguer à la CVMO des informations à propos de son employeur pourrait donner lieu à un comportement contraire à son obligation de préserver la confidentialité de ces informations et, dans de nombreux cas, à ses obligations fiduciaires et/ou contractuelles envers l’employeur. En outre, en divulguant des informations confidentielles, l’employé pourrait, sciemment ou non, divulguer des informations soumises au secret professionnel.

Rôle de la CVMO dans l’application des dispositions de prévention des représailles

Le personnel de la CVMO propose deux solutions pour l’application des dispositions proposées en matière de prévention des représailles :

  • donner à la CVMO un pouvoir d’application de la loi fondé sur sa compétence en matière d’intérêt public;
  • accorder au dénonciateur un droit de recours civil prévu par la loi.

Nous nous demandons si la CVMO aura l’expertise et les ressources qu’il faut pour exercer sa compétence en matière d’intérêt public et faire appliquer les dispositions de prévention des représailles dans des instances qui seront forcément tributaires des faits et nécessiteront un examen de la relation d’emploi et de la question de savoir si le congédiement de l’employé était justifié par des raisons qui n’ont rien à voir avec la dénonciation. Nous croyons plutôt que ces questions seraient mieux débattues devant un tribunal spécialisé ou judiciaire.

Déséquilibre propre aux dispositions proposées pour la prévention de représailles

La CVMO écarterait sans nul doute les informations qui ne sont pas étayées; toutefois, le dénonciateur pourrait librement, sans crainte ni risque de représailles, divulguer des informations qui pourraient porter atteinte à son employeur. Pour corriger ce déséquilibre, la CVMO devrait se demander si les dispositions de prévention des représailles devraient également prévoir des mesures que les employeurs pourraient prendre contre d’actuels ou d’anciens employés qui signalent à la CVMO des cas présumés d’inconduite qui se révèlent dénués de tout fondement.

Encouragement à contourner les procédures internes de conformité

Nous croyons qu’il faudrait encourager davantage, voire obliger le dénonciateur à signaler les cas présumés d’inconduite en suivant d’abord la procédure interne avant de les déclarer à la CVMO. À notre avis, il est préférable de laisser s’écouler un certain délai, à partir de la date du signalement interne, avant que le dénonciateur puisse transmettre des informations à la CVMO. L’intérêt public serait mieux servi si, au lieu d’augmenter le nombre d’instances de la CVMO, on encourageait le signalement interne propice à la conformité volontaire des émetteurs assujettis.

Récompenses en argent versées à des dénonciateurs fautifs

Nous sommes d’accord avec le personnel de la CVMO pour dire que le fait de permettre à des dénonciateurs fautifs de toucher des récompenses en argent pourrait être mal perçu sur le marché et porter atteinte à l’intégrité de l’ensemble du programme de dénonciation. À notre avis, le programme de crédits de coopération est une méthode mieux adaptée pour motiver les gens à donner des informations sur les cas d’inconduite auxquels ils ont participé.

Protection de l’identité du dénonciateur

Protéger l’identité du dénonciateur relèverait du défi. Nous savons que l’anonymat pourrait constituer une considération importante aux yeux de certains dénonciateurs qui doivent décider d’aller de l’avant ou non; or, il est tout aussi important que l’intimé visé par une instance puisse contester la crédibilité de l’information et les circonstances dans lesquelles elle a été obtenue.

Étapes suivantes

Le délai pour soumettre des commentaires sur le programme de dénonciation est échu. La CVMO tiendra, au début de juin 2015, une table ronde pour débattre les enjeux de ce programme.

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